Prise en charge des survivantes des violences sexuelles : un défi permanent pour le gouvernement congolais

En République démocratique du Congo, pays où les violences sexuelles ont été utilisées comme arme de guerre, la prise en charge des survivantes de ce fléau demeure jusquà présent déficitaire.
31-Mars-2022

«Jai été violée par des rebelles de FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). Un jour au champ, j’étais  en train de cultiver, soudain, on a vu des soldats en train de nous questionner. Ils étaient au nombre de vingt. Ils nous ont violés, moi, mes deux filles et ma petite sœur, jusquà ce que j’ai perdu conscience. Ça m'avait tellement écœuré ».

« Mais, je remercie Dieu du fait qu'on est venu nous prendre par les gens du village pour les premiers soins. Et nous avons été amenées pour la première fois à Bukavu. Mais, on avait peur d'y aller car on ne maîtrisait pas la ville. Nous avons été accueillies et soignées par le Dr. Mukwege lui-même. Il nous avait nourri, vêtu et logé, car je suis restée veuve, mon mari était mort juste après le viol. Grâce au Dr. Mukwege, je suis devenue autonome. Je paie mon loyer tranquillement. Je tisse les paniers au niveau du centre. Neût été lui, je serai morte car, je degageais une odeur nauséabonde après le viol. Mais, grâce aux interventions du Dr. Mukwege, je nai plus ça et jai repris conscience », révèle une survivante de Panzi.

Depuis près de vingt ans, cet hôpital a soigné plus de 50 000 survivantes en leur offrant des soins médicaux, un accompagnement psychologique, juridique et social.  Aussi, en les préparant aux petits métiers afin de leur rendre économiquement autonomes lors de leur réinsertion sociale.

En République démocratique du Congo, plusieurs autres centres ont été créés pour poursuivre la même mission.

Malheureusement, faute de moyens financiers suffisants et face à l’absence d’intervention du gouvernement, des milliers de survivantes n’y ont pas accès. Selon Me Arthur Omar Kayumba, chargé  de programme du Cadre de récupération et dencadrement pour lépanouissement intégral des jeunes (CREEIJ), avec le désengagement de plusieurs bailleurs des fonds, les services offerts par certains centres ne répondent plus totalement à la demande des survivantes. 

« C'est une prise en charge [qui devient] déficitaire d'autant plus qu'elle provient des initiatives privées en grande partie et des partenariats financés par  des bailleurs des fonds. Ce qui réduit la qualité et la quantité de ses réponses", explique-t-il. Pour lui, "la demande de prise en charge est haussière alors que les capacités de réponse restent très basses". Ce qui explique le faible niveau, de manière générale, de la prise en charge des survivantes des violences sexuelles. 

« Nous sommes face à une tendance haussière de demande des prises en charge alors que les capacités sont très basses. Dans le cas de la prise en charge, de fois on a que le moyen pour une  personne, mais il arrive qu'on se retrouve dans la situation où les moyens qui étaient destinés à prendre en charge une personne, prennent en charge trois ou quatre personnes. C'est dans ce sens que jai dit que c'est un peu comme déficitaire et cela, étant donné quil y a une faible  participation  de lÉtat dans ce sens », précise Me Arthur.


Service de la Fondation Panzi

La Fondation Panzi est l’un des modèles de prise en charge holistique des survivantes des violences sexuelles en RDC. Un modèle que devait intégrer le gouvernement dans le cadre de la prise en charge des survivantes.

Le quotidien La Prospérité s'est intéressé aux services offerts par la Fondation Panzi du Dr. Dénis Mukwege, Prix Nobel de la paix.

Selon une documentation sur le service de prise en charge de la fondation panzi, les projets mis en œuvre sont basés sur un modèle holistique reposant sur quatre piliers qui sont: médical, psychosocial, réinsertion socio-économique, formation en métiers divers et l’accompagnement juridique et judiciaire.

La Fondation panzi se focalise, respectivement, dans la prise en charge médicale et chirurgicale des  survivantes des violences sexuelles à travers; la distribution des kits de prophylaxie (PEP/VS) dans les zones de santé reculées; l'appui à l'hôpital général de référence de panzi et ses deux centres hospitaliers ruraux (Bulenga et Mulamba).

La fondation intervient aussi, dans la prise en charge des survivantes des violences sexuelles (psychologique, médicale, légale et sociale) sur le terrain par les équipes de la clinique mobile. Sur le plan Psychosocial, la Fondation appuie le service psychosocial de l'hôpital général de référence de panzi. Elle renforce des capacités des relais communautaires et des prestataires des soins psycho-sociaux dans toutes les zones de santé du Sud-Kivu, dans la prise en charge des soins de santé mentale.

Quant à la réinsertion socio-économique, la fondation panzi prévoit, entre autres,  la formation des survivantes en métiers divers, l'hébergement et la protection en transit;  loctroi de kit de réinsertion après formation (en appui direct); l'intégration dans les groupes dintérêt économique: Associations villageoises dEpargne et de crédit (AVEC) et Mutuelle de solidarité (MUSO);  la  formation en compétences daffaires: leadership, entreprenariat, Agriculture. Elle s'attelle également à l'éducation non formelle et formelle (par l'alphabétisation et la scolarisation) et des divers appuis académiques.

S'agissant de l'accompagnement juridique et judiciaire, la Fondation Panzi a programmé des assistances juridiques et judiciaires aux survivantes des violences sexuelles et basées sur le genre ainsi quà dautres vulnérables. Elle met à la  mise à la disposition des avocats;  lappui à lorganisation des chambres foraine; la mise en place et appui au fonctionnement des cliniques juridiques locales; l'organisation des Cafés juridiques avec les acteurs judiciaires et intervenants dans le domaine de la justice;  l'organisation des formations sur les instruments juridiques qui protègent et réhabilitent les droits humains.

Y a-t-il un cadre juridique?

l'État congolais n'a pas une loi spécifique qui dit qu'il faut  prendre en charge, mais cette loi s'inscrit de manière disparate sur des instruments internationaux. Par exemple,  dans le cadre des déclarations, que ça soit de Kampala ou de Kinshasa sur la masculinité positive, il est inscrit cette question de prise en charge des survivantes des violences sexuelles.
 Mais, l'on a quand-même des mesures administratives qui encouragent cette question dont notamment ; l'affaire au ministère du genre  de contribuer par les subventions de l'État à prendre en charge  les survivants des violences sexuelles", a précisé Me Arthur Kayumba.

« Ma recommandation cest quen réalité la question de prise en charge des survivants des violences sexuelles cest une question importante qui devrait effectivement être inscrite dans le cadre du budget des affaires sociales, des différents ministères tels que le ministère du genre, le ministère des droits humains, ministère de justice...même au niveau du conseil supérieur de la magistrature.

On doit avoir des subventions publiques orientées dans le cadre de la prise en charge pour quelle soit holistique, pour quelle réponde de manière quantitative et qualitative  aux demandes de ces femmes qui, chaque jour, font face à ce fléau de la déshumanisation.

Voilà quaujourdhui, il y a urgence et cest à lÉtat de d’inscrire la question de la prise en charge des survivant(e)s des violences sexuelles dans le budget , non seulement au niveau central mais aussi, que les provinces ainsi que les entités décentralisées sintéressent à la question", recommande-t-il.

Jules Ntambwe, JDH


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